Les promesses de l’immunothérapie
Couronnée par le prix Nobel de médecine 2018 le 2 octobre, l’immunothérapie comme traitement des cancers est en plein essor. Mais de quoi s’agit-il exactement? Et quelle en est l’origine ? Explication avec Jean-François Moreau, professeur d’immunologie à l’université de Bordeaux et chercheur au sein du laboratoire Immunoconcept.
- 29/10/2018
Ce sont deux immunologistes, l’américain James P. Allison et le japonais Tasuku Honjo qui ont été récompensé par le prix Nobel de médecine pour leurs travaux sur le traitement du cancer par "inhibition de la régulation immunitaire négative". Un sujet au cœur des débats actuels, porteur d’espoir pour améliorer les traitements et la prise en charge des patients atteints de cancer.
Cancer et immunologie, une longue histoire
Cancer et immunologie sont très liés et l’idée de faire intervenir le système immunitaire dans le traitement du cancer ne date pas d’hier. « Dès la fin du 19e siècle déjà, il avait été remarqué que, parfois, le cancer pouvait régresser en cas de maladie infectieuse grave.
Plus tard, dans les années 50, la notion d’immunosurveillance proposée par le virologue australien Burnet reconnaissait au système immunitaire un rôle majeur dans le contrôle de la prolifération des tumeurs. Notion revisitée par le chercheur américain Robert Schreiber en 2006 qui découvre que l’interaction entre le système immunitaire et la cellule tumorale peut conduire à trois étapes de la survie des cellules cancéreuses. La première c’est leur « élimination » ; elles ne pourront pas donner de tumeurs dans la grande majorité des cas (bien que l’on connaisse des tumeurs qui régressent spontanément).
La seconde étape est un état « d’équilibre »; Le système immunitaire maîtrise la prolifération des cellules tumorales sans provoquer leur éradication. La troisième étape est celle de "l’échappement" de la cellule tumorale au contrôle immunologique par de nombreux mécanismes. Cette dernière phase est la seule visible cliniquement, c’est celle que l’on appelle communément cancer et qui acte que le système immunitaire est devenu inefficace pour contrôler la croissance tumorale. La fameuse théorie des 3E.
Le mot clé : équilibre
« L’idée de l’immunothérapie n’est pas nécessairement d’éliminer la tumeur, mais de restaurer l’équilibre en faveur de l’hôte qui la porte en agissant sur les défenses immunitaires du patient » explique le professeur. Il n’est plus question de combattre et faire disparaitre la tumeur à tout prix, juste de mettre en œuvre un phénomène de régulation défavorable à la tumeur. C’est la promesse des traitements qui vont utiliser les anticorps monoclonaux. Ces anticorps sont des molécules naturellement produites par le système immunitaire en vue de déclencher une attaque ciblée sur un danger déjà rencontré, comme un vaccin protégerait d’une maladie infectieuse.
« Il n’y a pas si longtemps, ces anticorps étaient uniquement utilisés pour cibler des protéines indispensable et spécifiques aux cellules tumorales qu’ils détruisaient alors efficacement. Mais il suffit que les cellules tumorales n’expriment plus la protéine cible pour qu’elles échappent à l’efficacité du traitement » reconnait Jean François Moreau. « Cela ne marche pas toujours, constate le spécialiste mais quand ça marche, ça marche très bien ».
Un avenir prometteur
En effet, bien que très efficace et avec un effet durable après l’arrêt du traitement, l’immunothéraphie ne peut pas encore s’appliquer à tous les cancers, toutes les tumeurs n’étant pas identiques. Les causes de ces échecs ne sont pas toutes connues, mais la recherche clinique actuelle a pour objectif de caractériser à l’aide de biomarqueurs, les patients chez qui ces thérapies très coûteuses ont des effets bénéfiques. « Comme ces applications découlent des résultats de la recherche fondamentale sur la connaissance du fonctionnement du système immunitaire, un effort supplémentaire doit être accompli sur ce terrain » reconnait l’immunologiste.
« Il est désormais prouvé que cibler le système immunitaire peut être très efficace et relativement simple pour soigner un cancer. De nombreuses pistes restent encore à explorer, mais nous savons qu’il est à notre portée d’obtenir des thérapies opérantes dans l’absolu et sur le long terme, avec des effets indésirables plutôt faibles et parfaitement maîtrisables » conclue Jean-François Moreau.