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Espace étudiant
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Ecole de chirurgie
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Laboratoire d'anatomie
L’équipe :
- Dominique Midy
- Jean Marc Vital
- Bruno Ella
- Dominique Liguoro
- Vincent Casoli
- Michel Montaudon
- Mathieu De Seze
HISTOIRE DE L’ANATOMIE BORDELAISE
Introduction
L’histoire de l’Anatomie Bordelaise se confond totalement avec celle de la Médecine et de la Chirurgie à Bordeaux.
Cependant, peu de documents persistent sur la période initiale moyenne-âgeuse et l’Anatomie Bordelaise apparaît ainsi avec la Faculté de Médecine.
De grands noms surgissent alors pour atteindre en 1930 le point le plus haut où l’Anatomie reconnue occupe une place prépondérante qu’elle a perdue aujourd’hui.
De fait, l’Anatomie, née chez les grands artistes, est vite devenue l’apanage des barbiers chirurgiens pour s’ouvrir de nos jours à des spécialités d’imagerie médicale.
Enfin, de très fortes personnalités parsèment l’Anatomie Bordelaise, très à l’honneur de la grande histoire de l’enseignement de la Médecine à Bordeaux.
La période initiale pré-anatomique
Mille ans avant J.C., la tribu celtique des BITURIGE VIVISQUES franchit la Garonne, fonde BURDIGALA et confie la santé du corps et de l’âme aux seuls DRUIDES.
En 400, AUSONE reprend la tradition médicale, familiale hippocratique, devient Préfet des Gaules et continue de soigner gratuitement les pauvres auprès d’une source « au couchant de la ville ».
Nous ne savons rien de cette école médicale gauloise, peut-être située au n°7, rue de Grassi si ce n’est qu’en a écrit ST AUGUSTIN.
« L’auditorium » première Université de Bordeaux, créé vers 286, compte treize chaires et aura un rayonnement considérable au 4 ième siècle. Proche de la Place de la Comédie, sous l’influence de Hippocrate, Galien, Celsius, elle développe particulièrement les « MEDICI OCULARI ».
L’enseignement théorique est doublé d’un enseignement pratique dans les hôpitaux de la ville, toujours militaire.
Les barbares wisigoths vont détruire l’empire gallo-romain, la survie et les soins aux malades étant alors assurés par des « moines hospitaliers ». Alors commence la longue nuit du Moyen-Age dont il ne reste que très peu de documents et qui épargna seulement le sud-est de l’Europe (Vienne, Bologne, Montpellier). L’Ecole de Médecine de Montpellier permet dès 1220 à certains médecins bordelais de se former à l’alchimie et à la magie.
La guerre contre les Anglais, la succession des épidémies décimèrent dès 1400 les Aquitains qui créENTenvironnement numérique de travail
pour lutter contre les charlatants très nombreux le COLLEGE DES MEDECINS de BORDEAUX exigeant un exercice préalable de 2 ans, six thèses et le serment : c’est l’AGREGATION. Ce collège a longtemps freiné la création de l’Université de Bordeaux : celle-ci attendra 1441 pour être créée par l’Archevêque PEY BERLAND sur ordre du Pape et se situera cours Victor Hugo, proche de la rue Sainte Catherine.
A cette époque, les barbiers deviennent chirurgiens de robe courte (barbiers) ou longue (médecins) : l’obligation de connaître l’anatomie apparaît dès le premier « EXAMEN EN ART DE CHIRURGIE ».
La période originelle : 1441-1880
Nous ne pouvons fixer avec certitude le début et le lieu du premier enseignement médical à Bordeaux.
Une bulle du Pape EUGENE IV le 7 juin 1441, crée la Faculté de Médecine : les premières dissections, réservées aux seuls barbiers-chirurgiens, eurent lieu dès 1583 au Grand Couvent des Carmes, puis dans une chapelle croulante, voisine du Prieuré Saint Jacques, rue du Mirail, en 1586.
Louis IV, en 1596, sépare les barbiers et les chirurgiens.
GAUFRETEAU nous apprend dans sa chronique, en 1624, que les dissections anatomiques avaient lieu dans le Collège de Médecine, rue de Loys (actuelle rue Porte Basse) et rue des Ayres.
A cette époque, Bordeaux dépasse Toulouse avec 70 étudiants inscrits, et déjà la plupart des thèses portaient sur le vin.
En 1668, une enquête royale obtenait des Professeurs la réponse suivante : « Les Professeurs en Médecine jugent qu’on ne peut perfectionner un écolier en cet art, qu’ on n’ait un dissecteur qui fera au moins une ou deux anatomies tous les ans et fera la démonstration de la squelette, ce qui n’est pas dans cette université. »
En 1676, il y a 20 chirurgiens qui exercent à Bordeaux, sous la protection de SAINT COSME et de SAINT DAMIEN qui avaient émigré en SYRIE. Le 11 août 1728, fut créé le premier cours d’Anatomie sous les instances de MARESCHAL, chirurgien du roi et des efforts des Jurats de la ville : le chargé de conférences, rémunéré 300 livres, fut en premier LARRIEU fils.
Le cours d’Anatomie ne durait que 8 jours et restait fort grossier : le refus par le chancelier royal d’en augmenter la durée amena l’assemblée médicale à le biffer en 1756. Le Collège des Médecins maintiendra cette suppression jusqu’à la révolution.
En 1762 est créée la Société Académique de Chirurgie de Bordeaux où les chirurgiens reconnus enfin par les médecins portent robe longue et bonnet carré. La création de l’Ecole Nationale des Chirurgiens de SAINT COSME, grâce aux succès d’Abroise PARE, fit renaître l’enseignement de l’Anatomie. La Faculté de Bordeaux, grâce à l’énergie de son directeur, Joseph MOULINIE, élève de DESAULT, fondateur de la société d’émulation, premier titulaire de la Chaire d’Anatomie-Physiologie, de 1793 à 1829, édité une affiche en 1793 : « Le cours est gratuit et public, tous les 3 jours, au Collège National de Chirurgie rue Lalande. »
Malgré son abondante clientèle privée qu’il recevait cours royal (de Verdun), MOULINIE dirigeait et déléguait ses nombreux élèves : BACQUE, DUPUCH-LAPOINTE, GINTRAC et BRULATOUR. Tous excellaient à la Médecine opératoire, en particulier des membres, ancêtre de la chirurgie réglée.
La Constituante n’autorise que quatre écoles de Médecine en France : Paris, Montpellier, Strasbourg et Bordeaux.
Le Consulat élimine Bordeaux en 1803, mais tolère MOULINIE. L’école reconnue était celle de l’Hôpital SAINT ANDRE, nettement moins brillante sur le plan de l’Anatomie : tant sur le plan des locaux, exigus et mal éclairés, du matériel insuffisant, que des freins administratifs qui empêchèrent DUPUY de remplir sa charge de cours : dès 1829, l’école avait perdu tout validité, contrastant avec le succès pérennisé de l’école privée de SAINT COSME.
La loi du 26 mars 1829 ratifie l’union des deux écoles, en une école préparatoire de Médecine et Pharmacie, confiée à BRULATOUR Père qui gérait SAINT COSME depuis 1821. La chaire d’Anatomie fut confiée à Elie GINTRAC, connu pour avoir refusé de prêter serment à LOUIS PHILIPPE, ayant choisi le parti de la Duchesse du BERRY, emprisonnée à BLAYE. E. GINTRAC était de taille moyenne, mais de prestance bourgeoise. Sa voix douce et sonore possédait un accent gascon : ses yeux bleus pétillaient derrière de vastes lunettes. Son activité publique et privée se développant, il réalise un immense fichier médical, source de ses ouvrages ultérieurs, sur la pathologie et la thérapeutique. Il habitera longtemps la maison carrée d’Arlac, dans le Domaine de PEYCHOTTE.
BRULATOUR fils, 4 ème Directeur de l’Ecole ne 1830, ancien volontaire de l’Armée des Pyrénées pendant la Révolution, eut un grand succès auprès des étudiants : il divisa sont cours en deux parties : l’hiver consacré aux dissections, en raison du froid, et l’été réservé à la physiologie. Ses élèves furent CHAUDRU (1837-1842), REY (1842-1848) et PUYDEBAT (1848-1852).
Le succès de l’Ecole Bordelaise gêna les grandes facultés d’alors : Strasbourg ou Montpellier, en particulier en Anatomie.
Pierre Anselme BITOT, chef des travaux en 1849, Professeur d’Anatomie en 1852, aida E. GINTRAC à se défendre par une autorité et une qualité scientifique sans faille : présence assidue, cours répétés, prix de fin d’année.
Ces efforts furent récompensés par la transformation de l’école préparatoire en Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie.
BITOT isole dès 1865 l’enseignement anatomique et le développe sous une forme topographique et chirurgicale, crée un musée et organise le premier vrai Laboratoire d’Anatomie. Il organise les séances de dissection, collectionne les pièces dans ce musée réputé, malheureusement aujourd’hui disparus.
Lorsque en 1878 BITOUT délaisse l’anatomie pour la chaire de Chirurgie Infantile à l’Hôpital SAINT ANDRE, il ne laisse que quelques travaux sur les circonvolutions cérébrales, proche de ceux de son Maître BROCA.
Notons que la Faculté comprenait 500 étudiants en 1879 et 12000 un siècle plus tard, en 1989.
La période de gloire : 1830-1880
Le titulaire de la Chaire d’Anatomie de cette 2 ème période fut un Alsacien, fils de militaire : ABEL BOUCHARD.
Il fit ses études de Médecine à STRASBOURG, à l’Ecole du Service de Santé Militaire qu’il terminera par une excellente thèse sur : « Les gaines tendineuse et synoviales du pied », il avait décrit le AIE CREPITANT DU COMBATTANT, douleur importantes des tendons du dos du pied après de longues marches. Il obtint son agrégation au VAL DE GRACE, en section Anatomie-Physiologie, sa thèse portant sur le « Tissu connectif ».
Il devient alors Chef de Travaux Anatomiques et édita avec son Maître BEAUNIS les « Nouveaux éléments d’Anatomie et d’Embryologie ». La guerre de 1870 détruisit les archives de STRASBOURG et chassa BOUCHARD à MONTPELLIER où il devint l’élève de MASSE : il participa à la guerre en réorganisant le service d’ambulances.
Le Traité de Versailles cédant son beau pays aux Allemands, il se réfugia à NANCY d’où il fut conféré à la nouvelle Faculté de Bordeaux où en 1877, il fonda l’Institut Anatomique qu’il développa pendant 20 années.
Il fonda la Société d’Anthropologie, aidé par TESTUT, FERRE, PLANTEAU. Le « PERE BOUCHARD » mourut en 1898 et ne laissa que des regrets : son bon cœur, sa droiture de caractère, sa franchise brutale étaient populaires. Sa démarche voûtée, car il était grand, son expression théâtrale dans un vacarme formidable, son éternelle cigarette pendue à la lèvre inférieure, son légendaire béret basque, ses yeux bleus pétillants, ses plaisanteries souvent truculentes, voire triviales, marquèrent son auditoire, à défaut de dessins souvent inexistants. Le procédé de BOUCHARD de conservation des cadavres reste d’actualité, comme ses nombreux travaux, en particulier concernant les monstres vivants : l’homme tronc de TOBOLSK, la naine PAULINA, l’homme pétomane, recrutés dans les foires. Il eut d’ailleurs un conflit avec les BARNUM qui exploitaient PAULINA, dès 5 ans, et avaient affiché le nom de BOUCHARD en gros caractères. Sa découverte chez de nombreux criminels de la circonvolution des assassins, souleva de violentes polémiques. Il procéda ensuite aux travaux définitifs de l’Institut d’Anatomie, après de nombreuses visites à l’étranger, en Allemagne, Suisse et Italie, pour arriver aux trois salles d’Anatomie de la Victoire.
Il crée surtout une véritable Ecole d’Anatomie dont les élèves furent aussi nombreux que réputés :
• FERRE, interne des Hôpitaux, Chef de Travaux en 1883, Agrégé en 1886, obtint en 1891 la chaire de chirurgie expérimentale ;
• PLANTEAU fut Agrégé d’Anatomie, le 10 septembre 1883 et écrit le chapitre des brûlures dans le Traité de Pathologie Chirurgicale de BOUCHARD. Il fut remplacé par TESTUT et partit poursuivre sa carrière à ALGER.
• Léo TESTUT, de BEAUMONT EN PERIGORD, né en 1849 à SAINT AVIT, après une brillante carrière de chirurgien militaire, devint Chef de Travaux anatomiques qu’il développa considérablement : dissections, coupes, premières congélations, dessins extraordinaires.
• PITRES qui fut longtemps anatomiste s’en inspira beaucoup dans ses recherches neurologiques.
En 1884, il s’éloigna de Bordeaux pour enseigner à Lille, puis à Lyon où il demeura trente ans.
R. PICQUE en donna une des plus belles descriptions : « Un cours de TESTUT : bien avant l’heure, l’amphithéâtre débordant d’une foule joyeuse que l’on sentait venue pour vibrer spontanément , à l’unisson d’un homme, peu de planches et de pièces préparées, à peine pouvait-on deviner au tableau, sous un fin pointillé, la maquette du dessin que le trait allait illuminer : le Maître entrait alors d’un pas alerte et jeune, crépitant comme un sous bois des landes, le sourcil en arrêt et le regard fixe d’emblée sur l’auditoire sous le verbe concis et impératif que suivait la craie multicolore, l’anatomie se résolvait alors en formes précises et cette science aride devenait claire et bientôt chère au débutant.
La guerre 14/18 le ramène à Bordeaux et lui permet de diriger avec le Professeur PITRES la neurologie à Saint Genès où il écrit : « Les nerfs en schémas ».
A bordeaux, TESTUT étudie surtout l’anatomie comparée, en particulier les « anomalies musculaires ». Quant à ses volumineux « Traités d’Anatomie Descriptive » avec LATARJET puis JACOB, il les débute à Bordeaux, les écrits à Lyon et les termine dans sa retraite en Périgord. Ses ouvrages lui apportèrent gloire et fortune et restent encore aujourd’hui une référence mondiale. Il fut cependant toute sa vie regretté par les notables car il vivait en concubinage notoire avec sa servant et circulait ostensiblement en ????? dans une berline luxueuse.
La période de guerre : 1880-1930
André CANNIEU naquit à Bordeaux le 6 avril 1863. Il fut le type même du savant modeste, laborieux, un peu triste mais rempli d’une destinée aveugle et déterminée. Pauvre, il maintint contre vents et marées son ambition universitaire. Il devint l’élève de J. RÜNSTLER, chef du Laboratoire d’Anatomie Comparée à la Faculté des Sciences qui lui ouvrit les portes du Laboratoire d’Anatomie Pathologique du Professeur COYNE, à la Faculté de Médecine. Sa thèse de Doctorat portait sur le nerf auditif et lui permet, dans des délais rapides, d’atteindre l’agrégation, puis en à peine 3 ans, la chaire professorale de BOURCHARD (1899), à 36 ans… !
La maladie qui depuis longtemps l’habitait et à laquelle il résiste 8 années l’emporta le 27 mai 1907 à 44 ans : GENTES résumé ainsi cette courte vie, « stoïque, sans une plainte ni un regret, sans révolte, jeunesse tourmentée, pleine de privations, joies et triomphes éPHpraticien hospitalier
émères, fin précoce précédée de longues souffrances ». Son enseignement fut marqué par l’absence de pédantisme, une simplicité remarquable, mais sa petite taille, sa laideur, sa faible personnalité, sa tristesse, sa taciturne misanthropie ne le rendirent pas aussi populaire que son Maître. Au cours des dissections, il se promenait, silencieux, puis s’arrêtait sur un élève, mâchouillait une question entre ses dents et repartait sans mot dire si la réponse convenait ou entrait, en cas contraire, dans des colères aussi violentes que brèves. Il écrivit dans le Traité d’Anatomie de POIRIER, le chapitre relatif à l’oreille interne.
Michel Léon GENTES (1872-1921) succéda à CANNIEU. GENTES naquit à MEZOS dans les Landes, le 3 octobre 1872 : vif d’intelligence, il faillit s’engager au séminaire et choisit la médecine à Bordeaux. Aide d’Anatomie en 1897, interne en 1898, Prosecteur en 1900, Docteur en 1901, il fut nommé agrégé en 1902 : ces succès éclatants l’amenèrent à succéder au décès de CANNIEU en 1905 à la Chaire d’Anatomie. Les cours du jeune professeur étaient appréciés et suivis : modestie, simplicité, méthode, documentation s’alliaient à une sympathie naturelle et à un enthousiasme bienveillant lui ayant acquis l’estime et l’affection de ses collègues. La fatalité cruelle lui imposa durant douze années le même combat contre la maladie que son Maître, maladie lente et inexorable qui le diminua et l’emporta le 28 janvier 1921. L’œuvre de GENTES fut considérable : dissections, publications variées sur de nombreux domaines (muscles, foie, hypophyse) tant en anatomie qu’en histologie, tant sur l’homme que chez l’animal, en particulier sur la forme aquatique du Bassin d’Arcachon. Robert PICQUE est né à Paris, le 15 décembre 1877 d’une famille de grands militaires : son père ne cessait de lui répéter : « Tu seras soldat ou médecin. » Il fut les deux. Reçu à l’Ecole du Service de Santé Lyon, il suivit l’enseignement de TESTUT. Un avancement rapide l’amena au VAL-DE-GRACE où il présenta l’agrégation militaire en Anatomie-Embryologie où il fut reçu en 1913. La même année, le Ministre de la Guerre le délegua à Bordeaux en tant que chirurgien, lui permettant d’intégrer le Laboratoire du Professeur GENTES. Il s’intéressa aussi aux sciences naturelles et obtint son Doctorat, en rapport avec le pancréas de la lamproie.
Sa conduite pendant la guerre, digne de tous les éloges, lui permit de développer ses conceptions de secours avancé, associant prise en charge et des soins sur les lieux mêmes du combat.
Sa double étiquette anatomiste-chirurgien lui permit de conserver en l’état l’Hôpital de Talence occupé pendant la guerre par les Américains. Il prit la chaire à la mort de GENTES et l’occupa de 1921 à 1927. Très actif, il fut le créateur de l’aviation sanitaire qui lui offrit une mort aussi tragique qu’admirable : lors d’un rapatriement sanitaire aérien de CAZAUX, son avion prit feu, l’obligeant à monter sur la carlingue dont il tomba. Il laisse le souvenir d’un homme dur, autant pour lui-même que pour les autres. Réglementaire, sujet à des sautes d’humeur imprévisibles, liées à un tabes shyphylitique, il se rachetait par son extrême courtoisie. La maladie rendait sa démarche hésitante expliquant son plaisir d’être à cheval y compris lors de ses visites dans son service. Son « Traité pratique d’Anatomie chirurgicale et de Médecine opératoire » exprime son « rêve d’union intime de l’anatomie et de la chirurgie ». Il crée la notion de dissection opératoire : « l’incision doit mutiler au minimum et éviter de couper les muscles et les organes qu’il suffit alors de récliner. »
Laurent PRINCETEAU (1858-1932) ne connut pas les honneurs de la chaire professorale, mais il enseigna pendant plus de 50 ans les étudiants et illustra hautement la Faculté de Bordeaux.
Né à SAINT LOUBES le 1 er mai 1858, il réussit parfaitement ses études, fut nommé externe des hôpitaux en 1880, interne en 1881, prosecteur d’Anatomie en 1883, Docteur en Médecine en 1884. Sa thèse portait sur les variations viscérales et artérielles chez l’homme. Chef de travaux anatomiques en 1890, chirurgien des hôpitaux en 1891, il faut nommé Agrégé en 1892. Les services rendus pendant la guerre lui valurent la Légion d’Honneur en 1917. Professeur sans chaire en 1921, puis honoraire en 1927. Extrêmement affable, d’une bienveillante nonchalence, il était ferru d’art, en particulier de dessin qu’il apprit au contact de Toulouse LAUTREC, mais aussi de chant et de musique. Il mourut à Niort en 1932 et laisse le double souvenir d’un remarquable chirurgien, auteur de nombreuses techniques nouvelles (ligatures, bec de lièvres, éventration,…) et d’un anatomiste hors pair, tant par ses dissections nombreuses que par ses recherches sur les anomalies viscérales et vasculaires. Sa thèse d’agrégation résume l’histoire de la tératologie, science des anomalies congénitales, connue depuis G. SAINT HILAIRE. Il travailla sur les muscles de l’aisselle, les nerfs crâniens (VII, V), le glomus carotidien, les glandes salivaires, les ganglions lymphatiques de la joue.
La période moderne : 1930-1960
Paradoxalement, c’est l’histoire récente de l’Anatomie bordelaise qui est la moins connue, sans doute en raison de la perte d’archives liée au transfert de la Faculté de la Victoire à Carreire. VILLEMIN était très impressionnant par sa barbe et sa chevelure abondante, par ses sourcils broussailleux et sa voix caverneuse.
Ce véritable patriarche aimait être entouré et apprécié de ses élèves qui lui vouaient admiration et respect, expliquant qu’il soit à l’origine d’une véritable pépinière bordelaise d’anatomistes dont certains ont fait une carrière magistrale.
Il aimait descendre dans les vieux sous-sols sombres de la Victoire où disséquaient GOUAZE, RIGAUD et CABANIE : il leur prenait un moment le scalpel, en gilet et manches retroussées, sa grande barbe trempant dans la préparation, aveuglé par la fumée de l’éternelle cigarette qui toujours brûlait mal. Mais constamment, il éclairait de son savoir la dissection où les élèves pataugeaient.
Mais il savait se détendre « chez Auguste » où il n’aimait pas perdre aux cartes. Ce vieux Maître attachant, aux expressions colorées, un peu despote, exclusif dans ses affections, entier dans ses jugements, fut, selon GOUAZE, d’une rigueur et d’une honnêteté scientifiques extrêmes. DUFOUR participa en son temps à cette école prolifique bordelaise : brillant chirurgien, clinicien lumineux, il était discret, modeste, au plus proche de ses élèves et de ses malades. Il entourait ses élèves comme un père, « à la fois lucide et affectueux pour les moins doués ou les plus turbulents, aussi bien que pour les meilleurs. » RIGAUD fur un des artisans de ces écoles, responsable principal des travaux, portant essentiellement sur les rapports des organes en fonction de la morphologie longiligne ou bréviligne du sujet.
Conclusion
L’histoire de l’Anatomie bordelaise semble commencer au seul XIXème siècles ont disparu, laissant imaginer une anatomie laissée aux peintres, scupteurs, barbiers-chirurgiens.
Cependant, à ces mêmes époques, d’autres facultés telles Montpellier, Strasbourg, Paris avaient fait progresser la science anatomique par de nombreuses dissections sur animaux, puis sur cadavres humain, tels A. PARE, DIONIS, J.L. PETIT, LARREY…
L’anatomie apparaît réellement à Bordeaux avec la Faculté en 1829, se développe régulièrement pour une apogée avec TESTUT, Maître d’une anatomie descriptive, macroscopique, comparée.
CANNIEU et GENTES, bien que atteints précocément par la maladie, ouvrirent l’anatomie à l’histologie, à l’embryologie.
R. PICQUE offrit à l’Institut d’Anatomie son plein développement et crée une véritable Ecole d’Anatomie aux élèves nombreux et réputés, ayant alors orienté l’anatomie vers ses applications morphologiques et chirurgicales avec VILLEMIN, DUFOUR, DUBECQ.
Les transferts de l’Ecole de Médecine à Carreire dans l’enceinte de Pellegrin ont vu l’explosion du Laboratoire de la Victoire en 3 unités indépendantes, aujourd’hui regroupées dans un Laboratoire rénové, qui réorienté avec l’aide du Professeur DUCASSOU, vers les techniques audio-visuelles et infographiques d’imagerie médicale anatomique.
L’histoire de l’Anatomie bordelaise continue de nos jours, renouvelée d’une jeune équipe professorale qui espère être digne de son majestueux passé.
Petite histoire de l’Anatomie
L’Anatomie est l’étude de la (dis) section du corps (ANA priv, TOMIE couper : disséquer c’est séparer les éléments sans les couper).
L’Anatomie est une des sciences les plus anciennes : elle a continué à vivre et à se développer malgré toutes les tentatives pour l’abattre, dans l’Antiquité où le corps mort était sacré, au Moyen-Age où le médecin palabrait sans jamais toucher, jusqu’aux temps modernes où son enseignement n’a cessé de perdre de son influence.
La Renaissance a été aussi celle de l’Anatomie.
Celle-ci avait bien vécu dans l’Empire d’Alexandre : ALEXANDRIE devint la ville des arts, des sciences, de la culture.
C’est le règne des PTOLEMEES qui autorisent la dissection, mais aussi la vivisection des condamnés à mort.
Les pères fondateurs sont :
• Hérophile, qui décrit les méninges et les veines du cerveau
• Erasistrate, la trachée artère.
Mais l’anatomie retombe, les ailes brisées par la loi de ROME : GALIEN ne peut que reprendre les notions anciennes, les corrigeant par des dissections de singes et de porcs.
Malheureusement son anatomie, bien loin de l’homme, va dominer dogmatiquement jusqu’à la Renaissance.
Le premier signe de réveil apparaît au XIIè siècle où Frédéric II, en Italie, promulgue une loi interdisant l’exercice de la chirurgie sans avoir été formé et examiné en Anatomie.
A Paris, c’est à l’aube du XVè siècle que le recteur autorise les premières dissections de criminels, mais celles-ci resteront surveillées et exceptionnelles.
La Renaissance crée ce besoin de connaître, avec ses extrêmes (dérobement de cadavres pendus ou dans les cimetières…).
Le XVIè siècle est l’époque de Léonard de VINCI, de VESALE, de SYLVIUS : Anatomie et Art se confondent.
VESALE étudie la médecine dès 14 ans à MONTPELLIER, dissèque à PARIS chez SYLVIUS, vole ses cadavres au cimetière des Innocents, devient à 23 ans Professeur d’Anatomie à Padoue et publie : « DE HUMANI CORPORIS FABRICA », illustré par LE TITIEN, en 1545.
Démentir GALIEN le mena tout droit à l’exil.
PARACELSE, dans un autodafé anatomique à BALE brûla les livres de GALIEN et d’AVICENNE en disant : « que le silence mette fin à ces ergotages de ces vieux baguenaudeurs : dans leur fatras, il n’y a pas plus de science que dans les cordons de mes souliers ».
L’Anatomie venait de se libérer : FALLOPE à Paris, EUSTACHI à Rome, ARANTIUS à Bologne.
L’anatomie, d’abord animale et artistique, devient une science humaine.
Après l’anatomie descriptive, l’étude des fonctions crée la physiologie : longtemps, elles furent associées, de même avec l’histologie, anatomie microscopique et l’embryologie, anatomie de la croissance.
Mais, seule la chirurgie a donné ses lettres de noblesse à l’Anatomie : MARESCHAL, LA PEYRONNIE, J.L PETIT, DESAULT.
Et surtout, BICHAT, mort trop tôt et suivant la voie de DUPUYTREN et les plus grands chirurgiens de Napoléon : LARREY et PERCY.
Enfin, l’Anatomie est et doit rester une science FONDAMENTALE, indispensable à toute étude sur l’Homme au sens large.
Il n’y a qu’une grande ANATOMIE, soleil central et générique, qui éclaire une multitude de satellites plus ou moins importants : chirurgie, médecine, imagerie thérapeutique,…
Elle n’est pas et ne sera jamais une science morte, mais vivante, évolutive, s’adaptant en permanence aux besoins des autres matières médicales nouvelles (médecine nucléaire, chirurgie endoscopique, radiologie interventionnelle, etc…).
Professeur Philippe CAIX
Mots clés :
Mise à jour le 22/05/2017
Laboratoire d'Anatomie
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Professeur Dominique MIDY
Responsable du laboratoire